Croyez-moi, ce n’est pas ma première tempête. En août 2006, j’ai passé une nuit à 6 000 mètres d’altitude au Kirghizistan, à quatre pattes, écartées aux quatre coins de ma tente pour la maintenir au sol afin de ne pas être emporté par le vent.
Lors d’une autre expédition, j’ai été avisé par radio que deux de mes coéquipiers d’ascension rebroussaient chemin. Au même moment, j’étais debout à côté d’un corps gelé. C’était sur le mont Everest.
Similairement, ma traversée du Canada à la course à pied, en 2014, n’a pas été exactement un jeu d’enfant. Pour être clair, 180 marathons en 9 mois, c’est difficile et souffrant, dès le deuxième marathon.
Au fil des ans, j’ai remarqué que bien qu’aucune crise ne soit agréable, si nous choisissons volontairement l’adversité de temps en temps, il devient plus facile de gérer les imprévus qui nous frappent par-derrière. Voici donc ce que j’ai appris sur la résilience, afin de réussir dans des environnements changeants, avant, pendant et après une tempête.
1. Évitez les plans trop linéaires. La chose la plus simple à faire est de se fixer des objectifs. Cela prend une minute et nous le faisons tous le 1er janvier. Le problème est que trop souvent, notre stratégie ressemble à une ligne droite ; à cinq étapes simples vers l’objectif. Par conséquent, notre plan comprend trop rarement quelque chose comme : «Étape # 4 : élément bouleversant hors de mon contrôle».
La résilience n’est pas seulement la façon dont nous résolvons les problèmes. C’est aussi notre façon de les anticiper et de planifier des contingences. En tentant d’anticiper l’inconnu avant qu’il ne se produise, nous le rendons plus facile à aborder. La résilience, c’est se préparer pour la partie la plus prévisible de tout voyage : les obstacles, les déceptions et parfois la tristesse pure.
2. Accepter plutôt que de vouloir gagner. Ma première réaction lorsque j’ai été diagnostiqué avec le diabète de type 1, la forme la plus grave de la maladie, a été de me battre. Je voulais gagner et être plus fort que ma condition. Je suis devenu obsédé par le contrôle de ma glycémie et obsessif sur toutes les bonnes pratiques de gestion de la maladie. Bien que mon contrôle fût alors exemplaire, coexister avec son ennemi juré s’est avéré être une façon épuisante de vivre sa vie. La résilience, c’est parfois de réussir à accepter plutôt que de vouloir vaincre. Avec l’acceptation, ma condition est devenue ma plus grande alliée. Avec de l’ouverture à ce qu’elle pouvait m’apprendre, j’ai réussi à grandir et la maladie est même devenue un avantage. Elle m’a permis d’acquérir la discipline et la rigueur nécessaires à la réalisation de grands projets.
3. La grosseur de votre boîte à outils est importante. Soyons clairs, nous ne pouvons pas déjouer la montagne. Malgré toute notre préparation, nos scénarios ne se sont jamais réalisés comme nous l’avions imaginé. Cela dit, notre préparation nous a permis de faire l’ascension avec une boîte à outils beaucoup plus grande, ce qui a rendu possible de résoudre de plus grands problèmes. De plus, nos échecs précédents, lorsqu’acceptés, nous permettent eux aussi de parfaire le coffre à outils. Pour gravir les plus hautes montagnes du monde, il faut de l’expertise et de l’expérience. L’expérience et la résilience, c’est ce que l’on récolte lorsque l’on n’obtient pas ce que l’on veut.
4. La résilience se construit avant une crise. Voici ma citation préférée : «Le bonheur est dans l’effort consenti». Les organisations et les individus résilients consentent constamment à l’effort, qu’il y ait une crise ou non. Ils trouvent du plaisir dans la complexité, dans les défis, et de la satisfaction dans le travail soutenu. En cours de route, ils développent la conviction que peu importe les embûches, ils trouveront un moyen de réussir. Leur culture et leurs actions sont aussi davantage centrées sur les apprentissages que procure le chemin à parcourir, plutôt que sur les seuls plaisirs du fil d’arrivée. La résilience est un muscle. Ce n’est pas un objet que nous acquérons, c’est une pratique envers laquelle nous nous engageons.
5. Économisez votre énergie. Le sport d’endurance, c’est la planification des ressources en fonction des kilomètres et du temps restant. Alors qu’un début de crise correspond à l’urgence d’agir, il faut ensuite savoir trouver le bon rythme. La période de confinement et ses défis, ainsi que la relance qui la suivra, constituent un marathon. D’urgence à relance, il faut maintenant planifier l’énergie pour gagner sur le long terme. Gare à celui ou celle qui sprinte trop tôt! La victoire reviendra aux organisations qui prennent aujourd’hui les moyens, avec calme, constance et stratégie, pour gagner en fin d’année.
6. La résilience est la patience. Parce que vous ne pouvez pas voir le sommet en ce moment, ne signifie pas qu’il a disparu. La résilience n’abandonne pas lorsqu’elle perd le sommet de vue. Pendant une tempête, soyez patient et restez concentré sur le long terme. Sachez que l’ascension du mont Everest est un processus de deux mois qui implique plus d’attente que d’escalade.
7. Adaptez-vous, mais ne réagissez pas de manière excessive. Pendant une crise, vous devez vous adapter, point final. Cela étant dit, il est important de ne pas aggraver les choses. C’est la raison pour laquelle si vous êtes perdu en forêt, les experts en sauvetage conseillent de rester au même endroit jusqu’à l’arrivée des secours. Traitez les problèmes actuels, préparez-vous à ceux qui sont les plus prévisibles et surtout, éviter d’en créer dans votre tête. Si vous occupez un poste de direction, il est de votre responsabilité de faire en sorte que vos employés se sentent en sécurité. Cela s’accomplit souvent en résolvant rapidement les problèmes réels et immédiats, en ne perdant pas de vue la mission de l’organisation et en demeurant concentré sur un objectif à long terme. En d’autres termes, fournir le bon mélange de réconfort et de vision.
En conclusion
Toutes mes grandes réalisations sportives ont commencé par un engagement envers un défi complexe peuplé d’incertitudes et d’obstacles. Je n’ai pas toujours réussi, mais j’ai récolté beaucoup de résilience au fil des ans.
La résilience est une gratification en différé. C’est suer maintenant pour obtenir une récompense plus tard. Passez de l’urgence à la relance avec cette question très simple : que dois-je faire aujourd’hui pour réussir dans le nouveau normal, dans l’après Covid-19?
Bientôt, nous serons de retour à nos activités habituelles dans un rythme plus rapide et nous essayerons de compenser nos pertes. Notre mémoire collective étant parfois courte, il pourrait alors devenir facile d’oublier ce que nous avons appris et ça, ce ne serait pas résilient.
J’espère que cette lecture vous aura été utile. Littéralement, j’ai mis des décennies de sueurs et d’égratignures pour acquérir ces connaissances. À vous, maintenant, de les utiliser!
Bonne chance