Cet été, je me suis lancé le défi de battre le record de vitesse pour une traversée du Canada à vélo. Cela allait signifier de rouler approximativement 450 kilomètres par jour, treize jours consécutifs. Je ne ferai pas durer le suspense, je n’ai pas battu le record. Toutefois, jamais je n’ai été autant inspiré, transformé et motivé par un projet que par celui-là.
J’ai mis 15 jours, 17 heures et 36 minutes pour rouler près de 6000 kilomètres, de Vancouver à Halifax. J’ai commencé l’aventure la journée où la température la plus chaude de l’histoire du Canada a été enregistrée. J’ai fait l’ascension de l’autoroute Coquihalla et des plus grosses montées du parcours à des températures ressenties entre 45 et 55 degrés Celsius. Même avec des arrêts fréquents et une équipe dévouée qui tentait de me rafraichir avec de la glace, j’ai presque souffert d’un coup de chaleur. Dans les jours qui ont suivi, j’ai franchi une distance respectable, mais loin de l’objectif que je m’étais fixé.
Après sept jours, je savais que je n’allais pas battre le record, mais j’ai dû trouver une façon de continuer à donner le meilleur de moi-même. Comment continuer quand le but initial change? Comment trouver la motivation d’offrir son meilleur effort quand le fil d’arrivée est encore à des milliers de kilomètres? J’ai dû répondre à ces questions pendant ma traversée du Canada à vélo.
De la planification aux séquences de trente heures sur le vélo pendant les pires vagues de chaleur de l’histoire canadienne, du choix de l’objectif à l’adaptation en mi-parcours, les apprentissages ont été nombreux. Voici des leçons précieuses que j’ai tirées de l’expérience et qui peuvent toutes nous aider à persévérer pendant les moments difficiles.
1) Parfois, il faut courir vers le mur et avoir confiance que la porte s’ouvrira à la dernière seconde. J’ai commencé la planification du projet un an avant le départ, en pleine pandémie. Il n’y avait aucune garantie que je pourrais commencer ou finir la traversée.
L’élément clé ici, c’est la vélocité. Quand les frontières provinciales ont rouvert, certaines seulement quelques jours avant mon passage, j’étais prêt. J’ai accepté d’opérer dans l’incertitude, et cela m’a permis d’exécuter, alors que plusieurs n’auraient que commencé à planifier. Être en mesure d’opérer en situation d’urgence c’est bien, mais pour se différencier et prendre la position de tête, il faut avoir un sentiment d’urgence dès le début.
2) Établissez un mindset collectif. L’équipe de soutien a joué un rôle crucial dans le succès de la traversée. En fait, ma réussite fut collective et partagée. Le mantra à la base de notre ADN était simple : chaque minute compte.
Mon travail était de rouler, le travail de l’équipe était de s’assurer que je sois toujours en train de rouler. Des repas prêts à mon arrivée, l’entretien du vélo fait quand je dormais, des ravitaillements sans l’arrêt du vélo sont des exemples de l’expression de ce mindset. Cet état d’esprit était partagé et incarné par tous et à chaque instant. C’était le phare qui guidait tout ce que nous faisions. J’ajoute aussi l’importance de la cohérence et de l’alignement entre le mindset et l’objectif.
3) La résilience est une pratique. Même si on divise un énorme défi en petits morceaux, cela peut quand même demeurer très difficile!
La résilience n’est pas une chose que nous sortons d’un chapeau comme par magie pendant les moments difficiles. Elle se construit avec des actions quotidiennes. Quotidiennes, et parfois toute simples, comme aller courir même s’il pleut. Comme pour chaque sport ou habileté, la résilience a besoin de pratique. Si nous ne choisissons pas délibérément de faire des choses difficiles, notre résilience ne se développera jamais.
4) Efforcez-vous de créer des circonstances favorables. J’ai reçu ce conseil de l’ultracycliste Mark Herbst pendant mon entrainement. Qu’on le veuille ou non, beaucoup de choses sont hors de notre contrôle, que ce soit lorsque l’on traverse un pays à vélo ou dans nos entreprises. Notre travail est donc simplement de s’efforcer de créer les circonstances les plus favorables possibles au sein de ce que nous contrôlons. La meilleure façon d’augmenter nos chances de succès est de se concentrer sur sa préparation, son entrainement, sur son propre développement, sur son équipement, etc.
5) La mission est le carburant ultime. Après la chaleur, ce fut les vents de face. Quand j’ai réalisé que je n’allais pas battre le record, il me restait 3000 kilomètres à parcourir. J’ai dû trouver l’énergie et la motivation pour continuer de rouler vingt heures par jour, huit jours de plus.
L’équipe et moi étions démoralisés. Cet état était toutefois en contraste avec les messages des réseaux sociaux, où nous étions inondés d’encouragements et de messages positifs. Deux histoires bien différentes se déroulaient en parallèle. Nous nous sommes ressaisis et nous avons alors opté pour l’histoire la plus positive.
Je vis avec le diabète de type 1 et mon projet visait aussi à soutenir la Fondation de la recherche sur le diabète juvénile (FRDJ). Ma mission de vie est d’inspirer les jeunes atteints par cette condition et leur montrer ce qui est possible, avec la maladie. Plutôt que de chercher à battre un record, l’équipe et moi avons choisi de nous concentrer sur cette mission. Non seulement la mission nous a tenus en vie, mais elle rallumé nos passions et notre engagement.
6) Accumulez les expériences. Le mont Everest, la course du Sahara, la traversée du Canada à la course à pied (2014) et en vélo cette fois-ci. What’s next? La question est aussi fréquente que légitime. Les douleurs qui viennent avec ce type de parcours ne sont pas vraiment ce que je recherche. Ce que je recherche, ce sont des expériences qui enrichissent ma vie.
Succès ou échec, c’est rarement une préoccupation. Ce qui m’importe, c’est l’inévitable transformation intérieure. Voilà ce qui est vraiment précieux. Accumulez les expériences et créez des souvenirs avec ceux que vous aimez. C’est mon meilleur conseil pour être heureux.
7) Ne fixez pas des objectifs réalistes. Visez gros. Même si mon temps de traversée n’est pas gênant et somme toute très rapide, je n’ai pas battu le record. Je suis fier de m’être fixé un objectif très ambitieux; c’est précisément pour cette raison que j’ai autant appris et grandi.
Un objectif réaliste indique une peur de l’échec. Un objectif ambitieux est la démonstration d’un growth mindset et d’un engagement envers l’apprentissage.
Quand nous n’atteignons pas notre objectif, le résultat peut parfois être encore plus positif que ce que nous avions imaginé. La traversée du Canada m’a testé plus que tout ce que j’ai réalisé auparavant. J’avais des doutes sur mes capacités à compléter l’épreuve, mais j’en suis sorti plus inspiré que jamais.
Voilà pourquoi nous devons nous fixer de grands objectifs. Pour grandir. Pour apprendre. Pour se transformer. À la fin de ma traversée, je voyais de nouvelles possibilités et des façons de m’améliorer. J’étais motivé à retourner aux planches à dessin pour préparer quelque chose d’encore plus gros. Faire des choses difficiles nous aide à redéfinir ce que nous croyons possible.
Et quelle belle façon de conclure : deux jours après mon retour à la maison, j’ai complété mon inscription à la Race Across America (RAAM), l’épreuve d’ultra-cyclisme reconnue comme étant la plus difficile au monde. Il y a quelques années, même dans mes rêves les plus fous, jamais je n’aurais cru être capable de prendre part à une telle épreuve.
Ce que nous pouvons réaliser personnellement et professionnellement est en constante évolution. Si, et seulement si nous nous fixons des objectifs qui ne sont pas réalisables aujourd’hui.
Pour certains, c’est cinq kilomètres à la course, pour d’autres un marathon ou se lancer en affaires. Peu importe ce dont il s’agit pour vous, faites un premier pas et créez un mouvement irréversible.